Les Témoignages

10-01-2012

Témoignage de Georges Dalichoux

Je vous félicite pour votre initiative et j’espère qu’elle sera couronnée de succès. Je me replonge dans mes souvenirs, anciens, de surveillant à Pierre Rouge en 1945/1946. J’avais 21 ans.


C’était l’immédiat après-guerre et venant faire mes études à Montpellier, j’ai eu la chance, grâce à l’intervention de relations de mes parents d’être embauché comme surveillant. Je précise que nous n’étions pas payés, juste logés, blanchis et nourris mais c’était déjà beaucoup à cette époque. Enfin quand je dis nourris, … Dans mon souvenir, la nourriture n’était pas très bonne, nous mangions souvent des « serpents », en fait des anguilles de Palavas !


L’abbé Foulquier m’avait accueilli-on ne voyait que très rarement l’Abbé Prévost (j’y reviendrai)- et j’avais été affecté au dortoir des petits. Dans le dortoir, j’avais droit à une pièce à part avec un lit et nous avions un bureau  dans la Tour pour travailler (j’étais stagiaire en pharmacie). Mon rôle était le suivant : surveillance du lever, petit déjeuner et accompagnement des élèves à l’étude avant le début du cours. Ensuite, nous étions libres : il fallait revenir surveiller le réfectoire du midi, puis celui du soir, l’étude et le coucher.  Après le déjeuner, nous accompagnions les élèves aux terrains de sport.


Les élèves ne sortaient que pour les vacances et le dimanche nous les encadrions aussi en faisant du sport et des promenades. J’avais monté une équipe de basket ball et nous étions allés voir un match tous ensemble (nous étions revenus en retard et étions arrivés durant les vêpres, accueillis par un silence glacial !!).


Cette période chez les petits s’est très bien passée et puis rapidement pour une raison que j’ai oubliée le surveillant des moyens, il s’appelait Gros, est parti. J’ai été nommé surveillant des moyens et puis dans la foulée le surveillant des grands a quitté son poste – je me souviens très bien la raison, mais je ne la dirai pas ici, même si elle n’a rien de condamnable ! Me voilà nommé surveillant des grands. J’étais impressionné : je n’étais guère plus âgé que les élèves et certains d’entre eux appartenaient à la bourgeoisie montpelliéraine.


Le premier soir, arriva ce qui devait arriver : j’ai été confronté à un chahut monumental que j’ai laissé filer sans rien dire. Le bonheur a voulu qu’il neigeât durant la nuit. En conséquence, au réveil, avant de descendre au réfectoire pour le petit déjeuner, j’ai laissé les élèves en rang dans l’escalier de la tour qui était glacial, vu le temps. La prise de contact a tourné à mon avantage et je n’ai plus été ennuyé ! J’ai même vécu une collaboration amicale avec les élèves ; ceci dit, vu que je sortais de 10 ans de pension au PIC à Béziers, j’avais une petite idée des bêtises que l’on peut faire en pension !  


Je voudrais raconter ici quelques souvenirs (il y a prescription !). J’avais dans ma classe un élève qui se nommait De Crozals. Je l’avais collé pour une raison quelconque et privé de sortie. Je suis alors convoqué dans le bureau de l’Abbé Prévost qui me présente une dame, la mère de l’élève. L’Abbé me dit alors « consentez-vous à lever la punition que vous avez mise à De Crozals afin qu’il puisse sortir avec sa mère ? ». Je lui ai répondu que je refusais et que si j’acceptais cela en serait fini de mon autorité. L’Abbé m’a suivi et la mère est repartie sans voir son enfant. Durant l’après-midi, j’ai croisé l’Abbé Prévost qui m’a félicité pour ma décision !


Une autre fois, j’ai demandé à Dupuy de Parseval qui était très grand de s’agenouiller devant moi pour lui mettre une paire de gifle. Ce qu’il fit et d’ailleurs, il ne m’en tint pas rigueur puisque en tant que banquier, il a toujours accompagné le développement de mon entreprise ! Comme quoi !!


Sinon, j’ai commis également quelques bêtises ! Un soir avec mes copains Goujon et Esparcel, pions comme moi, nous avions décidé d’aller à un bal d’étudiants. Il fallait sortir et rentrer de Pierre Rouge sans se faire attraper. Pour sortir, il suffisait d’enjamber la fenêtre, de mettre les pieds sur le rebord de la fenêtre du réfectoire et de sauter. Ce que nous fîmes. Au retour, il fallait faire la même chose : je le fais, Goujon le fait et là, qui tape à ma porte et entre, l’Abbé Foulquier ! Nous commençons à discuter, il nous félicite d’être toujours en train de travailler et puis nous entendons le troisième luron crier « je lâche, je lâche, je vais lâcher » ! J’ai donc fermé la fenêtre, Esparcel s’est cassé la figure et l’Abbé Foulquier a fini par partir !


Une autre fois, Goujon et moi sommes sélectionnés dans l’équipe de rugby de la faculté de médecine. Nous partons disputer un match à Perpignan en laissant les élèves seuls. Et le lendemain dans le journal, nous étions en photo tous les deux ! Par chance, l’Abbé Foulquier ne devait pas lire le journal !


Fin 1946, ne pouvant concilier mes études et la surveillance, j’ai démissionné. L’Abbé Foulquier l’a assez mal pris et m’a menacé de suite devant les tribunaux, suite qui n’est jamais intervenue !


Nous n’avions pas de contacts avec l’abbé Prévost, sauf cas exceptionnel, tel celui que j’ai raconté. Je l’ai connu sur la fin de sa vie. Il  avait été opéré et se promenait dans le jardin.


J’ai conservé un souvenir inoubliable de ces deux années de pions. C’est notamment pourquoi, j’ai inscrit mon fils Jean à Tissié Sarrus. Il y est rentré en 1969 et a fini en 1981 en terminale A. En 1982, avant de quitter Montpellier, il a été pion en 1ère et le Préfet était l’actuel Président de votre association, mais c’est une autre histoire !


Voilà, j’espère que mes souvenirs vous ont plu ! En tous les cas, j’ai été heureux de me replonger plus de 65 ans en arrière !!


Bonne continuation !


Georges Dalichoux